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Servitude par destination du père de famille : rappel des conditions d’existence en cas de donation-partage

Civil - Bien et patrimoine
27/06/2025

La servitude par destination du père de famille constitue un mécanisme juridique important en droit des biens. Elle permet de constater l’existence d’une servitude entre deux fonds issus d’une division opérée par un propriétaire unique, à condition que certains critères soient réunis.

Dans une affaire récente, un différend oppose les ayants droit d’une fille à son frère, à la suite d’une donation-partage de deux maisons contiguës. Ils revendiquaient la copropriété du sas d’entrée de la maison du frère, utilisé pour accéder à leur propre bien, ainsi que d’un escalier menant au jardin. À défaut, ils demandaient la reconnaissance d’une servitude par destination du père de famille.

Les textes du Code civil encadrent strictement cette notion. Selon l’article 693, la destination du père de famille suppose que les deux fonds aient appartenu à un même propriétaire, qui les a disposés dans un état impliquant la servitude. L’article 694 ajoute, pour les servitudes discontinues, que doivent exister des signes apparents de la servitude au moment de la division, sauf clause contraire. Enfin, l’article 692 prévoit que, pour les servitudes continues et apparentes, la destination vaut titre.

Dans ce dossier, la Cour d’appel a refusé la demande en considérant que la première séparation des fonds remontait à un décès de 1928, antérieur à la donation-partage de 1983. Elle en conclut que les demandeurs ne prouvaient pas l’absence de stipulation contraire dans l’acte de division initial.

Or, selon la Cour de cassation, cette analyse viole les articles 692, 693 et 694 du Code civil. Les juges du fond avaient constaté que les deux maisons avaient été réunies entre les mains d’un seul propriétaire avant la donation-partage. Dès lors, la division opérée par cet acte devait être considérée comme le point de départ de l’analyse, et non un précédent historique.

De plus, la Cour reproche à la juridiction d’appel de ne pas avoir caractérisé précisément la disparition d’une ancienne ouverture qui aurait pu établir un signe apparent de servitude. La simple mention d’un avis technique ne permettait pas de rejeter la demande sans autre justification.

Cet arrêt rappelle l’importance de l’appréciation des éléments matériels et des actes juridiques au jour de la division, pour déterminer si une servitude existe. Il souligne aussi que la réunion temporaire des fonds dans un même patrimoine peut réactiver la possibilité d’une servitude par destination du père de famille, même si une division antérieure a existé.